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N’être, 2019

Michel Rey développe à travers le projet photographique « n’être » une réflexion esthétique et conceptuelle sur l’aliénation, par la représentation symbolique de la réclusion domestique de la femme. Cette réflexion s’opère à deux niveaux : celui de l’assignation spatiale de la femme, la maison. Celui de l’assignation identitaire qui suppose l’existence d’une nature féminine aux vertus à vocations domestiques. Bien entendu, cette réflexion qui se veut symbolique est volontairement limitée et schématique.

Pour figurer, à travers le médium photographique, l’assignation identitaire et la complexité de la femme aliénée par l’homme, l’auteur s’appuie en partie sur l’analyse de récentes études sur le féminisme et le genre. Les femmes peuvent être responsables et participer à leur propre sujétion tout comme elles peuvent vouloir s’émanciper de leur endoctrinement social et combattre le patriarcat.

Pour l’élaboration de la mise en scène, l’auteur se nourrit des peintures de genre nées au XVIIème siècle (comme la Laitière de Vermeer) dans lesquelles la réclusion des femmes est signifiée par une représentation spatiale domestique, symbolique et identitaire ; les éléments tels le rideau, la fenêtre, le reflet, le seuil de la porte, la direction du regard, les objets sont autant d’injonctions représentatives du rôle de la femme.
Pour actualiser cette représentation, le photographe a créé une série de 12 tableaux-portraits des moments entrecroisés de la vie d’une femme, de sa naissance à sa mort, dans un espace intemporel et neutre.
L’auteur a construit ses images avec des symboles, des concepts liés à sa culture occidentale :

  • Le corps nu de la femme, intemporelle, se situe hors de la représentation sociale du vêtement et des accessoires,
  • Le hors champ du bord de la photo signifie la réclusion des femmes dans les limites de l’espace domestique. Ce rapport entre l’intérieur et l’extérieur donne au regard, endossé par la caméra, la dimension injonctive et voyeuriste de l’homme (de son pouvoir, de sa domination) sur la fonction de la femme,
  • Le cube représente les frontières intérieures inhérentes à la femme dans lesquelles elle s’assouvit et se débat, signifiant tour à tour enfermement, procréation, résignation et résistance,
  • La porte (panneau peint) symbolise le seuil entre l’intérieur et l’extérieur,
  • La valise figure le support de ses voyages intérieurs vers des possibles extérieurs,
  • La fenêtre de verre (panneau plexiglass) objective les propres frontières intérieures consentantes entre le soi et le monde extérieur que la femme s’assigne en acceptant un rôle « passif », « aliéné »,
  • La couleur grise signifie l’intemporalité et le gris-magenta le désir, la tentation.

Ces douze tableaux-portraits conceptuels et symboliques s’entrecroisent, se superposent comme miroirs de la vie dans leurs quotidiennetés, banalités essentielles et anecdotiques et intimes.

Michel Rey, 2021

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